Introduction
La photographie scientifique peut être comparée à une expérience scientifique, elle se doit donc d’être rigoureuse, répétable et reproductible.
Trois principaux critères doivent être respectés :
– balance des blancs faite manuellement (étalonnage des couleurs)
– faire figurer un repère de taille
– communiquer sur la manière dont l’image a été produite (photographie de contexte par exemple)
L’utilisation du focus stacking (voir plus bas) est la meilleure manière de combiner qualité et quantité de détails.
Balance des blancs manuelle
Ce réglage permet d’obtenir les vraies couleurs, quelque soit la source de lumière. Le quasi totalité des appareils photos permettent ce réglage, mais très peu d’utilisateurs y pensent. La balance des blancs peut être réglée avant (format d’image RAW ou JPG) ou après la prise de la photographie (RAW uniquement).
Laisser la balance des blancs en automatique revient à laisser la chance décider si les couleurs seront bonnes ou non. Dans de bonnes conditions lumineuses (lumière du jour sans nuages) les appareils se débrouillent plutôt bien. En basse luminosité les résultats peuvent devenir… artistiques.
Cette inconstance de résultat n’est pas acceptable pour de la photographie scientifique. La balance des blancs doit toujours être réalisée manuellement. This is not acceptable for scientific photography therefore AWB should never be used.
Les vidéos ci-dessous vous montrent comment effectuer ce réglage :
AVANT la prise de la photographie
APRES la prise de la photographie :
Repère de taille
Un repère de taille devrait toujours figurer sur la photographie. Suivant la taille du sujet, on peut utiliser une règle graduée (en système métrique si possible), ou n’importe quel objet commun dont la taille est évidente. De l’extrêmité d’une allumette à une voiture, les choix sont nombreux.
Astuce : Afin d’éviter les distortions liées à la perspective, il faut idéalement placer le repère de taille sur le même plan que le sujet.
Photographie de contexte ou schéma décrivant comment l’image a été produite
Plus vous donnerez d’informations sur votre protocole de prise de vue, et plus il sera facile pour d’autres de reproduire votre image.
Faites figurer la marque et le modèle de l’appareil photo, les réglages effectuées (la triade ouverture / vitesse / sensibilité), la nature de la lumière (naturelle ou artificielle) et l’éventuel traitement logiciel effectué.
Une manière simple et rapide est de prendre une photographie du dispositif de prise de vue (en faisant apparaitre le sujet). C’est la photographie de contexte. RIgueur et qualité importent moins ici, il est donc tout à fait possible de prendre cette photographie avec un smartphone.
Qualité du matériel
Peu de matériel est nécessaire pour obtenir de bons résultats. Un smartphone suffit souvent.
Par contre le résultat final peut être fortement amélioré avec un appareil récent et des accessoires spécifiques.
Bien utilisé, un appareil photo à 600€ peu produire d’excellents résultats. Il ne permettra pas la prise de vues en très faible luminosité ni d’imprimer les clichés au format A0, mais en avez-vous vraiment besoin ?
Il existe également de nombreux logiciels plus ou moins spécialisés qui peuvent représenter une dépense importante. Heureusement, beaucoup d’alternatives open source existent (Dark Table par exemple).
Plus que le matériel, c’est la technique et la rigueur du photographe qui feront la différence. Il faut comprendre chaque réglage effectué.
Enfin, rappellez vous que la lumière franchit un nombre important d’obstacles entre la source et le capteur, chacun diminuant la qualité finale.
Connaitre ces obstacles va permettre une meilleure interprétation de l’image.
Ex ci-dessus : les « flares » sont des réflections de la lumière dans les différentes lentilles de l’objectif.
Focus Stacking
Le Focus stacking consiste en la fusion de plusieurs photographies dont la mise au point est faite à différents endroits du sujet.
C’est ainsi que l’on récupère le maximum de détails sur l’intégralité du sujet.
Plus d’informations ICI.
Applications
Intelligence Artificielle
Même si le terme « Intelligence artificielle » est très souvent employé pour décrire l’utilisation de « simples » algorithmes, le principe est de confier à un programme informatique une tâche complexe d’habitude réservée aux humains.
La technique est largement utilisée pour la reconnaissance d’objets, de pollen ou même de lésions cancéreuses de la peau. Une des dernières études en date montre qu’après un « apprentissage » de 130.000 photos un programme était capable de mieux discerner une lésion maligne qu’un panel de 10 dermatologues.
La qualité des images est essentielle : plus l’image sera détaillée et proche de la réalité et mieux l’algorithme travaillera. C’est donc une application de choix pour la photographie scientifique.
Avec des photographies standardisées le programme sera plus facile à développer et sa vitesse de traitement sera accrue.
Pour mieux comprendre il faut rappeler que les humains et les ordinateurs ne « voient » pas les images de la même manière. L’être humain voit de manière subjective car nous travaillons principalement par comparaison des couleurs. Nos yeux et notre cerveau ne sont pas parfait, loin de là. C’est pour cela que les illusions d’optique existent :
Les caractéristiques physiologiques de l’oeil humain nous limitent à la reconnaissance de 4 millions de couleurs, au mieux.
L’ordinateur de son côté ne voit pas, il reçoit directement l’information sous forme numérique.
Une couleur donnée sera obtenue par combinaison de rouge, vert et bleu. C’est le code RGB. Le noir sera noté R0 G0 B0 tandis que le blanc R255 G255 B255. Le rouge Ferrari se note R255.G36.B0
La plupart des écrans que nous regardons travaillent avec 256 nuances de chaque couleur primaire (0 à 255) : l’information est codée sur 8 bits.
256 x 256 x 256 = 16.7 millions. C’est le nombre maximal de couleurs différentes qu’un écran 8 bits pourra afficher.
L’ordinateur n’ayant aucune limite du nombre de couleurs qu’il peut reconnaître, on aura toujours intérêt à produire une photographie avec le maxium de couleurs (les appareils modernent peuvent enregistrer plusieurs milliards de nuances) afin de pouvoir en tirer partie lors d’analyse numérique.
Pouvez-vous voir la différence de teinte gauche / droite entre ces rectangles ?
Pour tester votre vision vous pouvez suivre ce lien. Essayez sur plusieurs appareils différents (écran de pc, télévision, smartphone…)
Reconstruction 3D
Un ordinateur est capable de produire un modèle en 3 dimensions à partir de photographies (en 2 dimensions). C’est la photogrammétrie. Qualité et quantité des photographies vont définir le rendu final. Beaucoup de programmes sont disponibles sur le marché (un des plus connus est Agisoft Photoscan) et s’il est également possible d’arriver au même résultat avec un scanner 3D, la photogrammétrie est beaucoup moins onéreuse.
Les modèles 3D pourront être utilisés sur écran ou imprimés.
Encore une fois comme il s’agit du travail d’un programme, meilleurs sont les fichiers d’entrée et meilleur sera le fichier de sortie.
En règle générale, une photographie doit être pensée et préparée avant d’appuyer sur le déclencheur.
Epidemiologie
De plus en plus d’appareils possèdent une fonction GPS (les smartphones : quasiment tous). Il est ainsi très aisé d’enregistrer la localisation quasi exacte d’une photographie. Cela simplifie la collecte des données et limite les erreurs humaines. Pour du travail de terrain, cette fonction doit être activée par défaut.
Atlas et numérisation de collections
Des photographies standardisées peuvent servir pour un atlas anatomique. Prendre des photos de la même manière d’espèces différentes est le meilleur moyen de pouvoir les comparer objectivement. Idem pour pouvoir comparer un individu sain et un malade.
De très nombreuses institutions possèdent de magnifiques collections d’animaux, insectes et plantes. Ces collections ne sont visibles qu’en s’y déplacant physiquement, et derrière des vitres il n’est pas possible de changer d’angle de vue.
Numériser ces collections en haute résolution et de manière standardisée pourrait permettre un accès complémentaire à ces précieuses ressources. C’est d’autant plus important avec la diminution exponentielle de la biodiversité.
La production de ces images doit se faire par les institutions, pour les institutions. Cela représente une charge de travail considérable. Heureusement, il existe une solution aussi élégante qu’économique : l’enseignement. Cette tâche peut être déléguée à des étudiants au cours de leur cursus. En effet, apprendre à prendre une photographie scientifique est un excellent exercice d’observation et de réflexion. Mieux, les images produites pourront par la suite servir aux notes de cours, TP, examens… avec un contrôle total des copyrights. Cette solution a été mise en oeuvre ici.
Télémédecine et télédiagnostic
Le manque de médecins dans certaines zones pousse à l’utilisation d’outils numériques dits de « télémédecine ». Avec l’extension et le renforcement du réseau internet jusque dans les endroits les plus reculés, cette tendance va se renforcer petit à petit.
On pourrait imaginer apprendre à des médecins généralistes une manière standardisée de prendre en photo des lésions dermatologiques. Celles-ci seraient ainsi envoyées en routine à des spécialistes pour aider au diagnostic… à moins qu’on ne fasse rapidement confiance à l’intelligence artificielle ?
Des échouages de baleines aux missions de catalogage de la biodiversité, de nombreux scientifiques pourraient bénéficier d’une telle formation.
De plus, le partage et le travail collaboratif sur les fichiers numériques n’a jamais été aussi facile :
Cytomine est par exemple un excellent outil dans ce domaine.